L'Hiver
Son cortège d'ombres, de fantômes sans corps,
De squelettes décharnés annonce la mort.
Bien cruel prédateur qui s'abat sur ses proies,
Toujours les faibles, n'obéissant qu'à sa loi.
Car il frappe encore plus fort les démunis,
Ceux qui n'ont plus rien, les exclus, comme punis
D'avoir tout perdu ou d'avoir une autre vie,
D'être différent, marginal ou insoumis.
Et il jette à leurs trousses ses féroces loups,
Avides de chairs, de tourments qui rendent fous,
Dont chaque glaciale morsure blesse et tue
Ceux qui, dans un râle d'agonie, se sont tus.
Il fait s'abattre sur nous son obscurité,
Dévorant la clarté des jours, comme écourtés.
Quel est donc le mystérieux dessein des saisons,
De ce cycle qui a donné l'or à foison
Juste avant de tout reprendre, même la vie ?
Serait-ce pour mieux revivre qu'il assouvit
Sa soif de violence, de mort qu'il engendre
Afin de, tel le Phénix, renaître des cendres
Du brasier encore fumant du bel automne
Dont les flamboyantes couleurs, toujours, m'étonnent ?
Parfois, pour cacher la triste désolation,
L'hiver recouvre, belle dissimulation,
D'un blanc manteau à l'aspect presque virginal,
Les vestiges de sa cruauté infernale.
Et seules les fêtes de la fin de l'année,
Par leurs décorations dans les villes ornées,
Arrivent à faire oublier cette froideur,
Par cette allégresse des enfants chahuteurs
Que la neige enivre par ses jeux suggérés,
Bien douces promesses de moments exaltés !
Et pour oublier la dure réalité,
Les cadeaux, les noces devront se succéder.
Par grand froid, de belles orgues cristallisées
Apparaissent bientôt aux fontaines figées.
Ces stalactites, belles coulées d'eau glacée,
Instruments éphémères, si purs, éthérés,
Sont là pour jouer une funèbre oraison
Annonçant au monde, par l'ultime frisson,
Les grands frimas, ces bien funestes messagers,
Des jours difficiles que l'on peut présager.
Et le miroir des bassins, sans tain et brisé,
Regorge sans doute d'images capturées.
Anthony Majerès, hiver 2008 (alexandrins)